Sclérose en plaques : initier un traitement de fond précocement
Un traitement de fond doit être initié le plus précocement possible chez les patients qui débutent une sclérose en plaques (SEP), c'est-à-dire dès la première poussée ou les premiers symptômes neurologiques, alors que l'état clinique paraît satisfaisant, préconise le Pr Jean Pelletier (CHU la Timone, Marseille).
Il existe deux formes cliniques de la SEP, rappelle le Pr Pelletier : une forme récurrente/rémittente qui évolue par poussées avec un pic de survenue entre 25 et 30 ans ; une forme progressive d'emblée qui survient le plus souvent chez l'homme à partir de 40-45 ans. Une troisième forme clinique est décrite : c'est la forme secondairement progressive, qui fait suite à celle caractérisée par des poussées.
La SEP est une maladie du système nerveux dont les signes peuvent être des douleurs, des paralysies, des troubles de la perception des sensations ou encore des troubles de la vision.
80000 personnes en France sont atteintes de cette maladie.
Prendre un charge rapidement
"La première forme clinique bénéficie aujourd'hui de traitements de fond, qui sont des immunomodulateurs et dont l'objectif est non seulement de prévenir les récurrences, mais aussi de diminuer l'importance et la fréquence des poussées", explique le neurologue.
Plusieurs produits ont ainsi obtenu l'autorisation de mise sur le marché (AMM) dans la SEP.
L'acétate de glatiramère (Copaxone*), polypeptide agissant comme un leurre sur le système immunitaire pour réduire la fréquence des poussées est indiqué lors de l'apparition de troubles neurologiques au cours d'au moins deux poussées durant les deux années précédentes. Il s'administre par voie sous-cutanée et est contre-indiqué, en revanche, dans les formes progressives d'emblée ou secondairement.
Les interférons bêta-1a et 1b s'administrent selon un rythme hebdomadaire ou plusieurs fois par semaine en fonction du mode d'administration en intra-musculaire (IM) ou en sous-cutané (SC). "Trois interférons sont actuellement sur le marché : Betaféron* (interféron bêta-1b), Avonex* et Rebif* (interférons bêta-1a)", énumère le spécialiste.
Selon l'AMM du Betaféron*, le produit est indiqué dans la forme récurrente/rémittente chez les patients atteints de SEP ayant présenté au moins deux poussées au cours des deux dernières années, ainsi que dans les formes secondairement progressives. Il s'administre au rythme d'une injection SC tous les 2 jours.
Avonex* comporte deux indications dans son AMM :
- en cas de survenue de deux poussées récurrentes de troubles neurologiques au cours des trois dernières années,
- lors de l'apparition d'un seul événement démyélinisant associé à un processus inflammatoire.
Ce produit possède la propriété de ralentir la progression du handicap et de diminuer la fréquence des rechutes. En revanche, il doit être interrompu en cas de développement d'une forme progressive de la SEP. Il s'administre en IM une fois par semaine.
Rebif* a les mêmes indications (formes avec poussées) et s'administre en SC trois fois par semaine.
"Aux vus des données actuelles, la tendance en matière de stratégie thérapeutique est de traiter le plus tôt possible les patients qui entrent dans la maladie (dès une première poussée et avant la seconde), alors qu'ils vont très bien cliniquement, ainsi que ceux qui présentent un risque élevé de récidives et de poussées fréquentes (selon des critères définis cliniquement et selon ceux obtenus à l'imagerie par résonance magnétique -IRM-, qui permettent de déterminer la dissémination des lésions dans le temps et l'espace). L'objectif est, en effet, d'augmenter le gain du traitement, d'allonger dans le temps l'efficacité des médicaments et de réduire le nombre de patients qui développeront une seconde poussée d'environ 30 à 50%", commente le neurologue.
Par exemple, sur 1.000 patients traités et sur 500 qui risquent de présenter une deuxième poussée de troubles neurologiques, 250 au final en subiront une. Il existe, en effet, comme dans d'autres pathologies chroniques évolutives, de bons et mauvais répondeurs et la durée entre deux poussées reste imprévisible, fait-il remarquer.
En dépit des contraintes liées aux injections et des effets secondaires locaux et généraux (tels qu'un syndrome grippal sous interféron) qu'induisent ces traitements de fond, le taux d'interruption thérapeutique reste très faible, pour peu que le patient bénéficie d'une prise en charge pluridisciplinaire, avec l'intervention d'une infirmière et d'une psychologue assurant l'information, l'éducation thérapeutique et le suivi du malade au sein des 11 réseaux régionaux et des centres de référence situés au sein des CHU (Centres Hospitalo-Universitaires).
"Quant à la forme progressive secondairement, les seuls traitements réellement efficaces sont les immunosuppresseurs comme le mitoxantrone (Elsep*) à usage hospitalier (administration en perfusions intra-veineuses), qui entraînent des effets secondaires plus importants ".
En revanche, aucun médicament ne possède à l'heure actuelle d'AMM pour le traitement de la forme primaire progressive de la SEP.
Evaluer la balance bénéfices-risques
"Il apparaît primordial, non seulement de traiter précocement mais aussi de bien éduquer sur le plan thérapeutique les patients atteints de SEP, tout en évaluant soigneusement la balance bénéfices/risques avec eux", souligne le Pr Pelletier.
En effet, informe-t-il, d'autres médicaments sont actuellement en voie de développement, se présentant sous une forme orale, donc offrant moins de contraintes que les voies injectables : tel est le cas du fingolimod, premier d'une nouvelle classe de médicaments (modulateurs du récepteur de la sphingosine 1-phosphate) qui comporteraient un impact sur l'évolution naturelle de la maladie (neuroprotecteurs ralentissant son évolution).
Néanmoins, ils exposeraient dans le long terme à des effets indésirables sérieux en raison de leurs propriétés immunosuppressives (infections, cancers), d'où l'importance d'évaluer avec les patients les contraintes d'administration versus les effets indésirables des nouveaux traitements.
De fait, si le confort des malades devient une priorité, il ne doit pas le devenir au risque de voir apparaître dix à quinze après le début d'un traitement une grave complication.
L'avenir s'oriente vers de nouveaux traitements."Tel est le cas des anticorps monoclonaux (comme le tysabri), des produits qui agissent sur une cible spécifique en bloquant la barrière hémato-encéphalique", indique le Pr Pelletier. Ils seront cependant réservés à l'usage hospitalier, en raison d'un risque de bradycardie importante lors de l'administration (une injection par mois).
De l'avis du neurologue, la photographie de la SEP s'est considérablement modifiée en l'espace de 10 ans grâce à l'arrivée des traitements de fond. Les nouveaux objectifs résident dans leur simplification, notamment en termes d'administration (formes orales), ainsi qu'aux associations thérapeutiques permettant d'obtenir un effet global et spécifique pour lutter contre l'invalidité. Car actuellement, les traitements n'ont d'effets que sur les phases inflammatoires et non sur les formes secondaires progressives (ou insuffisamment ou encore avec un risque d'effets indésirables notables). Et s'ils permettent de diminuer le nombre et l'intensité des poussées, ils restent impuissants sur l'évolution de la maladie et du handicap.
En résumé, il faut traiter le plus précocement possible les patients atteints de SEP et bien les éduquer sur le plan thérapeutique les patients afin de favoriser l'observance "celle-ci pouvant s'émousser après plusieurs années de traitement et liée à la lourdeur de celui-ci ou encore à des effets secondaires persistants", cite le spécialiste. Il s'agit également de mettre au point de nouveaux médicaments, afin de réduire les contraintes et d'augmenter le confort des malades, mais pas à n'importe quel prix, c'est-à-dire celui de voir survenir des effets secondaires graves.
Réalisé et validé en collaboration avec des professionnels de la santé
sous la direction du Dr Anne Richard
Dernière modification le 15/03/2011
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