Source : Sciences et Avenir Octobre 2013
Des souris vivantes ont produit des cellules souches
Des chercheurs sont parvenus à reprogrammer "in vivo" des cellules adultes de rongeurs. Ils ont ainsi obtenu des cellules souches de meilleure qualité que celles produites "in vitro".
C'est un résultat spectaculaire que viennent de rapporter dans Nature des chercheurs espagnols : faire en sorte que des souris fabriquent des cellules souches pluripotentes induites (IPS : induced pluripotent stem cells), capables de produire quasiment n'importe quelle cellule spécialisée de l'organisme. Autrement dit, qu'au sein d'un animal vivant des cellules redeviennent des cellules souches embryonnaires ! Reprogrammer in vivo des cellules est désormais possible. La démonstration chez l'animal de la faisabilité d'un tel concept pourrait bouleverser la pratique de la future médecine régénératrice.
L'étape du laboratoire pourrait être supprimée
Jusqu'à présent, on imaginait que pour greffer ces cellules IPS à un malade souffrant de diabète insulino-dépendant, d'insuffisance cardiaque ou de maladie de Parkinson, il fallait au préalable les produire en passant par des manipulations sophistiquées et coûteuses en laboratoire. Le travail réalisé par l'équipe de Manuel Serrano, du Centre national de recherche sur le cancer (Madrid, Espagne), bouleverse ce protocole : il sera peut-être possible d'induire la production de ces précieuses cellules souches au sein même du tissu ou de l'organe à réparer sans passer par l'étape du laboratoire. Une fois ces IPS produites par le patient, elles seraient amenées à se différencier en type cellulaire particulier, en cellule du pancréas, du cœur, en neurone par exemple.
Aujourd'hui, pour reprogrammer des cellules adultes (de peau notamment) en cellules souches, il faut y introduire quatre gènes clés (Oct4, Sox2, Kfl4 et c-Myc). Ceux-ci produisent quatre facteurs de croissance jouant un rôle dans les premiers temps du développement embryonnaire. Les cellules adultes ainsi reprogrammées, dénommées IPS, sont capables de "remonter le temps" jusqu'au stade embryonnaire.
Cette technique de production, mise au point en 2006, a d'ailleurs valu le prix Nobel de médecine en 2012 au Japonais Shinya Yamanaka. Les chercheurs espagnols sont allés plus loin : l'organisme de leurs souris transgéniques fabrique lui-même ces quatre facteurs de croissance. Pour activer les quatre gènes, ils ont fait boire aux rongeurs de l'eau contenant de faibles doses de l'antibiotique doxycycline. Résultat : au bout de deux semaines et demie, les rongeurs on développé des tumeurs (tératomes) issues de cellules souches pluripotentes et contenant plusieurs types cellulaire adultes. Preuve manifeste pour les chercheurs que des cellules adultes de ces rongeurs avaient bien été reprogrammées en IPS avant qu'elles ne se transforment, à leur tour, en plusieurs types cellulaires.
Par ailleurs, l'analyse de tissus de l'estomac, de l'intestin, du pancréas et des reins des rongeurs a montré la présence disséminée d'une reprogrammation cellulaire in vivo. De même, les chercheurs on détecté la présence d'IPS dans le sang des souris qui avaient été reprogrammées pour en fabriquer.
Ces cellules IPS sont de qualité supérieure.
Une autre surprise attendait les chercheurs : Les cellules IPS produites chez ces souris étaient d'une qualité supérieure à celles obtenues jusqu'à présent en laboratoire. En effet, outre leur capacité à se transformer en n'importe quel type de cellule d'un embryon, elles ont pu se différencier en placenta. Ce résultat étonnant fait dire aux chercheurs que ces IPS obtenues in vivo sont à un stade encore plus précoce que les IPS produites en laboratoire.
Il est évidemment hors de question d'utiliser une procédure semblable chez l'homme, dans la mesure où les cellules reprogrammées risquerait de former des tumeurs. En revanche, une stratégie de régénération in vivo pourrait, dans l'avenir, consister à administrer au malade, localement et pendant un temps limité, des gènes synthétiques codant les quatre facteurs de croissance identifiés par le prix Nobel Shinya Yamanaka.
D'autres pistes sont à l'étude comme administrer, au sein d'un organe ou d'un tissu malade, un cocktail de petites molécules capables d'activer le programme génétique de production de cellules IPS ou utiliser des virus rendus inoffensifs pour délivrer les quatre fameux gènes clés.
L'avis de quatre spécialistes
Jean-Marc Lemaitre
Inserm/CNRS/Université de Montpellier
"C'est un travail important. Beaucoup y pensaient mais personne ne l'avait fait. Désormais on sait qu'une reprogrammation in vivo est possible. Pourra-t-on utiliser cette technique pour faire un jour de la vraie régénération d'un membre, par exemple faire repousser un doigt coupé? On voir que le système est très plastique. Toutefois, il reste tout un fossé scientifique à combler."
Laure Coulombel
Inserm, plateforme cellules souches
"Contrairement à ce que l'on pensait, , la reprogrammation est un processus assez robuste pour pouvoir se faire in vivo. Que les cellules IPS générées ainsi soient plus efficaces que celles produites in vitro peut s'expliquer : in vivo, nous sommes dans une situation de vascularisation et dans un environnement en trois dimensions où le contact avec les autres cellules est plus complet. Ce qui démontre que fabriquer des cellules dans des boîtes en plastique ne suffit pas"
Philippe Ménasché
Unité de chirurgie de l'insuffisance cardiaque, Hôpital européen Georges Pompidou (Paris)
"Ce résultat propose des pistes d'exploration pour comprendre les anomalies placentaires. Et à terme, il n'est pas totalement insensé d'envisager d'utiliser les animaux comme des bio-réacteurs, des usines de production amplifiée de cellules IPS en reprogrammant les cellules in vivo et in situ plutôt qu'in vitro. Encore faudra-t-il être en mesure de récupérer les cellules avant le stade tumoral..."
Laurent David
Responsable de la plateforme iIPS de Nantes
"L'utilisation D'un modèle in vivo permet de tester en une fois plusieurs environnements biologiques correspondant à différentes conditions de culture. Ce qui a permis d'obtenir ces "Super-IPS". Mais l'approche in vivo est trop risquée et trop complexe pour devenir celle de la médecine régénératrice. Ce travail servira essentiellement à obtenir in vitro des cellules IPS humaines plus robustes et en plus grande quantité qu'actuellement."
Des souris vivantes ont produit des cellules souches
Des chercheurs sont parvenus à reprogrammer "in vivo" des cellules adultes de rongeurs. Ils ont ainsi obtenu des cellules souches de meilleure qualité que celles produites "in vitro".
C'est un résultat spectaculaire que viennent de rapporter dans Nature des chercheurs espagnols : faire en sorte que des souris fabriquent des cellules souches pluripotentes induites (IPS : induced pluripotent stem cells), capables de produire quasiment n'importe quelle cellule spécialisée de l'organisme. Autrement dit, qu'au sein d'un animal vivant des cellules redeviennent des cellules souches embryonnaires ! Reprogrammer in vivo des cellules est désormais possible. La démonstration chez l'animal de la faisabilité d'un tel concept pourrait bouleverser la pratique de la future médecine régénératrice.
L'étape du laboratoire pourrait être supprimée
Jusqu'à présent, on imaginait que pour greffer ces cellules IPS à un malade souffrant de diabète insulino-dépendant, d'insuffisance cardiaque ou de maladie de Parkinson, il fallait au préalable les produire en passant par des manipulations sophistiquées et coûteuses en laboratoire. Le travail réalisé par l'équipe de Manuel Serrano, du Centre national de recherche sur le cancer (Madrid, Espagne), bouleverse ce protocole : il sera peut-être possible d'induire la production de ces précieuses cellules souches au sein même du tissu ou de l'organe à réparer sans passer par l'étape du laboratoire. Une fois ces IPS produites par le patient, elles seraient amenées à se différencier en type cellulaire particulier, en cellule du pancréas, du cœur, en neurone par exemple.
Aujourd'hui, pour reprogrammer des cellules adultes (de peau notamment) en cellules souches, il faut y introduire quatre gènes clés (Oct4, Sox2, Kfl4 et c-Myc). Ceux-ci produisent quatre facteurs de croissance jouant un rôle dans les premiers temps du développement embryonnaire. Les cellules adultes ainsi reprogrammées, dénommées IPS, sont capables de "remonter le temps" jusqu'au stade embryonnaire.
Cette technique de production, mise au point en 2006, a d'ailleurs valu le prix Nobel de médecine en 2012 au Japonais Shinya Yamanaka. Les chercheurs espagnols sont allés plus loin : l'organisme de leurs souris transgéniques fabrique lui-même ces quatre facteurs de croissance. Pour activer les quatre gènes, ils ont fait boire aux rongeurs de l'eau contenant de faibles doses de l'antibiotique doxycycline. Résultat : au bout de deux semaines et demie, les rongeurs on développé des tumeurs (tératomes) issues de cellules souches pluripotentes et contenant plusieurs types cellulaire adultes. Preuve manifeste pour les chercheurs que des cellules adultes de ces rongeurs avaient bien été reprogrammées en IPS avant qu'elles ne se transforment, à leur tour, en plusieurs types cellulaires.
Par ailleurs, l'analyse de tissus de l'estomac, de l'intestin, du pancréas et des reins des rongeurs a montré la présence disséminée d'une reprogrammation cellulaire in vivo. De même, les chercheurs on détecté la présence d'IPS dans le sang des souris qui avaient été reprogrammées pour en fabriquer.
Ces cellules IPS sont de qualité supérieure.
Une autre surprise attendait les chercheurs : Les cellules IPS produites chez ces souris étaient d'une qualité supérieure à celles obtenues jusqu'à présent en laboratoire. En effet, outre leur capacité à se transformer en n'importe quel type de cellule d'un embryon, elles ont pu se différencier en placenta. Ce résultat étonnant fait dire aux chercheurs que ces IPS obtenues in vivo sont à un stade encore plus précoce que les IPS produites en laboratoire.
Il est évidemment hors de question d'utiliser une procédure semblable chez l'homme, dans la mesure où les cellules reprogrammées risquerait de former des tumeurs. En revanche, une stratégie de régénération in vivo pourrait, dans l'avenir, consister à administrer au malade, localement et pendant un temps limité, des gènes synthétiques codant les quatre facteurs de croissance identifiés par le prix Nobel Shinya Yamanaka.
D'autres pistes sont à l'étude comme administrer, au sein d'un organe ou d'un tissu malade, un cocktail de petites molécules capables d'activer le programme génétique de production de cellules IPS ou utiliser des virus rendus inoffensifs pour délivrer les quatre fameux gènes clés.
L'avis de quatre spécialistes
Jean-Marc Lemaitre
Inserm/CNRS/Université de Montpellier
"C'est un travail important. Beaucoup y pensaient mais personne ne l'avait fait. Désormais on sait qu'une reprogrammation in vivo est possible. Pourra-t-on utiliser cette technique pour faire un jour de la vraie régénération d'un membre, par exemple faire repousser un doigt coupé? On voir que le système est très plastique. Toutefois, il reste tout un fossé scientifique à combler."
Laure Coulombel
Inserm, plateforme cellules souches
"Contrairement à ce que l'on pensait, , la reprogrammation est un processus assez robuste pour pouvoir se faire in vivo. Que les cellules IPS générées ainsi soient plus efficaces que celles produites in vitro peut s'expliquer : in vivo, nous sommes dans une situation de vascularisation et dans un environnement en trois dimensions où le contact avec les autres cellules est plus complet. Ce qui démontre que fabriquer des cellules dans des boîtes en plastique ne suffit pas"
Philippe Ménasché
Unité de chirurgie de l'insuffisance cardiaque, Hôpital européen Georges Pompidou (Paris)
"Ce résultat propose des pistes d'exploration pour comprendre les anomalies placentaires. Et à terme, il n'est pas totalement insensé d'envisager d'utiliser les animaux comme des bio-réacteurs, des usines de production amplifiée de cellules IPS en reprogrammant les cellules in vivo et in situ plutôt qu'in vitro. Encore faudra-t-il être en mesure de récupérer les cellules avant le stade tumoral..."
Laurent David
Responsable de la plateforme iIPS de Nantes
"L'utilisation D'un modèle in vivo permet de tester en une fois plusieurs environnements biologiques correspondant à différentes conditions de culture. Ce qui a permis d'obtenir ces "Super-IPS". Mais l'approche in vivo est trop risquée et trop complexe pour devenir celle de la médecine régénératrice. Ce travail servira essentiellement à obtenir in vitro des cellules IPS humaines plus robustes et en plus grande quantité qu'actuellement."